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vendredi 8 avril 2016

Mesgny, ou l'histoire d'une orthographe reformée


 Bonjour et bienvenue sur mon blog "Un nom, des histoires". Voilà maintenant plusieurs mois que je m'intéresse à la généalogie non plus avec un regard professionnel (étant archiviste), mais plutôt personnel. Aujourd'hui cet intérêt, notamment pour les noms de famille, me provoque l'envie de faire partager mes découvertes avec le plus grand nombre de personnes, d'où la création de ce blog. Mon objectif est de vous raconter une à deux fois par mois, l'origine et l'histoire d'un nom de famille d'une personnalité qui fait l'actualité ou qui en est liée. En effet, bien souvent, les noms de famille ont plus de chose à nous dire que l'on imagine.

http://www.legadroit.com/nom-de-famille.html
 En France, le nom de famille tel que nous le connaissons aujourd'hui n'apparaît qu'au 12ème et 13ème siècle. Depuis l'antiquité et avec émergence de la religion chrétienne, les individus portent un prénom unique, donné lors de leurs baptêmes. Cependant, avec l'augmentation de la population et la préférence pour certains prénoms (et par conséquent la diminution de la diversité nominative), la nécessité de se différencier des autres porteurs d'un même prénom se fait sentir dix siècles plus tard. Ainsi, l'on commence à leurs/à s' attribuer des surnoms, puis cette pratique du sur-nommage se systématise, et finalement sans aucune intervention politique ou religieuse, fini par se transmettre à la naissance.



Dans l'ensemble, on constate quatre grandes catégories dont les surnoms sont issus :
       1- Par transmission du nom de baptêmes du père,
       2- Par attribution d'une caractéristique physique, morale ou sociale,
       3- En référence à un lieux, à une provenance,
       4- par la désignation de son métier

 S'agissant de mon première article, celui-ci ne sera pas consacré à une personne faisant l'actualité. En effet, j'ai pensé qu'il serait intéressant d'en profiter pour me présenter à vous de la plus simple des manières qui soit et qui en même temps vous présente la structuration de mes prochains articles : parler de mon nom de famille, et de ses histoires.

  • Histoire de : Mesgny

 Le nom Mesgny fait partie de la troisième catégorie que nous avons vu plus haut : celle des noms provenant d'un lieu. En effet, il prend son origine étymologique dans la racine d'un mots latin, mansio, qui désigne un lieu de séjour, une habitation, une demeure. L'utilisation et l'orthographe de ce mot évolue avec le temps et l'histoire de France.
 https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3900343
 A l'époque gallo-romaine, il dérive déjà dans le langage courant sous le nom de masionile. Ce mot sera reprit ensuite dans la langue d’oïl sous la forme de maisnil, ou plus couramment mesnil, ménil. Il garde en grande partie son sens d'origine, mais il est aussi utilisé pour désigner un groupe de personnes, ou des personnes vivants dans une même maison, qu'ils aient des liens de parenté ou non. Ce terme s'implante un peu dans le nord de la France sous la forme de maisnil, mais plus principalement en Normandie et en Lorraine pour les autres variantes. Cependant, le terme de foyer étant privilégié pour désigner les habitants d'une maison, il va rapidement tomber en désuétude dès le bas moyen-âge. On observe toutefois une certaine résistance de son utilisation en Normandie, comme nous le montre un article de la revue la Comédie paru en 1863, et qui nous parle de la Mesgnie Hellequin :

"En Normandie on connait la chasse Hennequin, la Mesgnie Hellequin ou Herlequin, [...]. Mesgnie est un vieux terme du moyen âge qui veut dire famille, maison, suite et il désigne la séquelle endiablée qui suit le chevalier Hellequin. [...] Dans le pays d'Arles aussi, la mesgnie Hellequin était populaire. Seulement on retrouvait à sa tête, non plus le chevalier Hellequin, mais les preux et les pairs de Charlemagne, le comte des Marches bretonnes, Roland et ses compagnons tués à Roncevaux, Ogier le Danois"

 Le temps et les abus de langage (ou plutôt d'écriture) ont donc finalement transformé une dernière fois l'orthographe de ce mot en Mesgnie, et plus rarement encore Mesgny. On ne trouve cette variante au départ que dans le grand centre de la France et surtout dans l'Est. Aujourd'hui, ce nom de famille n'est porté que par moins d'une vingtaine de personnes, alors que l'on compte plus ou moins 2 000 Mesnil, dont le plus connu est un athlète français, le perchiste Romain Mesnil.

  • Histoire d'un Mesgny : Christophe

 Ne faisant pas partie de l'actualité, et étant encore moins une célébrité (si si, je vous jure!), je passerai cette étape de mes futures articles en étant le plus bref que possible.
 Je suis le fils cadet d'une famille de trois enfants et je suis né a Compiègne, ville au combien historique : résidence des rois mérovingiens et carolingiens, délivré par Jeanne d'Arc mais ou, elle, fut livré aux anglais, devenu partie intégrante du domaine impériale en 1804, signature dans la forêt de Compiègne des armistices de 1918 et 1940... et j'en passe!
 Mes deux grands pères restant d'illustres inconnus et une de mes grands-mères étant décédée avant ma naissance, je n'ai eu la chance de connaître qu'un seul de mes grands-parents dans ma jeunesse.
 Enfant, l'histoire à très rapidement pris une grande importance dans mes centres d'intérêts, et après avoir voulu devenir archéologue, fait des études en histoire contemporaine, me voilà désormais archiviste... un chemin tout tracé.


  • Un Mesgny dans l'histoire : La danseuse de char(me)s

 Ce nom de famille étant très rare, il est bien difficile de trouver des traces d'un de ses porteurs dans l'histoire... mais quand on sait chercher, on en trouve toujours, même des petites! C'est pourquoi aujourd'hui, je vais vous faire un focus sur une femme, une vrai titi parisienne du milieu du 19ème siècle. : Louise Mesgny. Ne sachant pas qui elle est exactement, ni d'où elle vient, j'ai pour l'instant, je vous l'avoue, très peu d'informations. Mais suffisamment pour vous donner l'envie d'en découvrir un peu plus sur ce jolie brin de femme qui a fait, sans aucun doute, les beaux jours de Paris et côtoyait certains des grands artistes de ce siècle.

 L'enquête sur cette femme commence sur une phrase anodine d'un écrivain du 19ème : Théodore de Banville. Poète, dramaturge et critique dramatique Français, amis entre autres de Victor Hugo, Baudelaire et Théophile Gautier, il est devenu célèbre à son époque grâce à une oeuvre littéraire originale : Odes funambulesque. Et c'est précisément dans cette oeuvre écrite en 1857, qu'il nous parle d'elle très furtivement. En effet, dans les commentaires qui accompagnent son livre, il raconte que la comtesse de Chabrillan aurait "vêtue à la Grecque, fait à l'hippodrome la course des chars avec Louise Mesgny et une Joséphine [...]". Pauvre Joséphine qui ne semble pas beaucoup avoir marqué l'esprit de l'auteur.

Par A. Provost — Lithographie, Domaine public
 Pour comprendre de quoi parle Théodore de Banville et qui pouvait être cette Louise Mesgny, il est important de se pencher sur les éléments qui nous permettent de contextualiser son histoire.
 Tout d'abord, quel est donc cet hippodrome dont il parle? Il s'agit en fait de l'Hippodrome de l'étoile, le premier hippodrome de Paris inauguré en 1845. Construit par Victor Franconi sur la place de l'Etoile, il est entièrement fait en bois... et il fut détruit par un incendie en 1869. Ce type d'hippodrome n'est pas un simple lieu dans lequel sont organisées des courses hippiques, mais ce sont des vrais scènes de spectacle à ciel ouvert où viennent se divertir aussi bien la bourgeoisie locale que le citoyen lambda, comme s'en amuse la revue Charivari qui écrit après l'inauguration : 

"Depuis longtemps on éprouvait le besoin de voir s'ouvrir à Paris un théâtre ou l'on pût griller en été et gelé en hiver. Ce désir national vient enfin d'être exaucé [...]. Dix milles personnes peuvent tenir dans l'enceinte et deux milles autres français plus économes se procurent en outre l'agrément de grimper gratis sur la plate-forme de l'arc de triomphe de la barrière de l'étoile qui se transforme ainsi en un amphithéâtre des troisième galeries. En faisant construire ce monument, Napoléon n'avait pas songé qu'il servirait à cet emploi".


Course de chars à l'Hippodrome de l'étoile
 Aussi, semblerait-il qu'une comtesse aurait fait une course de chars avec notre Louise Mesgny sur cet hippodrome. La comtesse de Chabrillan, de son vrai nom Elisabeth-Céleste Veinard, connu surtout sous le nom de Céleste Mogador, est une célèbre danseuse du 19ème siècle. Née à Paris en 1824, elle vécue une enfance difficile qui lui forgea un mental de guerrière. Son père décède alors qu'elle n'a que 6 ans, négligée par sa mère et brutalisée par son beau-père, elle est finalement recueillie par une prostituée. Elle commence sa carrière au cirque-olympique dans les années 1840 puis devint danseuse au Bal Mabille à partir de 1850. C'est sur cette scène qu'elle imagine et lance le Quadrille, un cancan excentrique. Dans le même temps, c'est elle qui fait les beaux jours et la gloire de l'Hippodrome de l'étoile en tant que danseuse-animatrice. Elle se marie au comte de Chabrillan qui décède 3 ans plus tard, et réussi, malgré toutes les difficultés lié au machisme ambiant, à devenir une comédienne et une écrivaine. Théophile Gautier, ami de Victor Hugo, Baudelaire et Théodore de Banville (tiens, des amis communs...) et amateur de cirque, évoque lui même une course de chars à laquelle aurait participé Céleste Mogador :

"L'hippodrome renoue, à sa manière, avec l'antiquité en proposant des courses de chars. C'est réunir les jeux romains et les exercices équestres anglais, qui constituent les premières prestations de cirque. Ces courses étaient dangereuses [...]; leur violence et le caractère érotique de la présentation – c'était la seule occasion publique de voir des parties dévêtues du corps féminin- fit leur succès.[...]. Cette course est un des plus agréables épisodes de la représentation : ces chars dorés, ces chevaux harnachés à l'antique, ces costumes romains ont une espèce de beauté classique qui n'est pas sans charme [...] Madame Céleste à des bras superbes et une fierté de tournure qui lui donnent l'air d'une de ces victoires conduisant le quadrige du triomphateur qu'on voit sur les médailles et sur les bas-reliefs".

 Louise Mesgny aurait donc été un moment de sa vie, une artiste qui s'est produite aux cotés de la star de l'Hippodrome de l'étoile. Ainsi, il n'est pas surprenant de voir que sont conservées aux archives nationales et à la bibliothèque de l'Institut de France des lettres échangés entre elle et Théophile Gautier. Indubitablement, ces lettres ne pourront qu'améliorer la compréhension de la nature de leur relation et apporter un éclairage nouveau sur son histoire.



Et vous, quelle est votre histoire?


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