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dimanche 4 septembre 2016

Bojaxhiu, ou l'histoire du voile invisible de mère Térésa


Mère Térésa, Anjezë, Gonxhe Bojaxhiu
Mère Térésa (Anjezë Gonxhe Bojaxhiu)
 Dans cette période ou l'on parle beaucoup de religion, surtout à tort et à travers, nous avons ce week-end une formidable occasion de remettre en place une grosse idée reçue. En effet, ces jours sont l'occasion de parler, de célébrer une femme importante du vingtième siècle : mère Térésa. Avez-vous vu qu'elle porte un voile? A priori non puisque personne n'en parle. On parle de celui des autres, mais pas de celui-là. Il y aurait donc un bon et un mauvais voile? J'imagine déjà le sketch des Inconnus version culte :"bah, le bon voile t'as la femme qui le porte et qui fait "ouais t'as vu je respect mon dieu", mais bien quoi, et puis t'as le mauvais voile, bon la femme le porte et elle fait "ouais t'as vu je respect mon dieu", mais bon elle le fait pas bien quoi". Loin de moi l'idée de critiquer une bienfaitrice de l'humanité, juste celle de faire remarquer les incohérences de certains discours dont on nous abreuve depuis quelques temps et qui fissurent de plus en plus notre volonté du vivre ensemble, dans un esprit de paix, de joie et d'amour (oui, j'adapte mon langage à mon sujet).

 Pourtant, mis à part quelques opinions de la bonne mère sur certains sujets et qui ne peuvent pas ne pas être passés sous silence (je pense notamment à son opposition totale à l'avortement et la contraception, ou sa tendance à aller vers une forme de glorification de la souffrance), elle a su malgré cela par son courage, sa volonté et ses actions, s'attirer les faveurs, le respect d'une grande partie du monde, quelles que soient nos croyances ou non croyances. Elle a su tout au long de sa vie, fédérer des groupes sociaux et religieux différents, ce qui lui a même permis de recevoir un prix Nobel de la paix en 1979, et d'être dans sa religion considérée déjà de son vivant comme une sainte. Mais pour être une sainte, il faut être canonisée, ce qui est désormais fait ce dimanche 4 septembre.
Oh, vous vous demandez le rapport avec le nom de Bojaxhiu? Il s'agit bien sur de son vrai nom de famille, puisqu'elle s'appelle en réalité Anjezë (Agnès) Gonxhe Bojaxhiu (Dieu merci, je n'ai pas à le prononcer).


Histoire de canonisation


 Tout d'abord, quelle est la différence entre une béatification et une canonisation? La béatification, c'est le fait de rendre possible l'exercice d'un culte envers une personne de foi chrétienne, celle-ci est ensuite définie comme "bienheureuse". Le concept de canonisation va donc un peu plus loin dans la démarche puisqu'il va jusqu’à élever au rang de saint, la personnalitée en question. Comme le défini très pompeusement le Larousse, la canonisation est une
"Déclaration solennelle par laquelle le pape, à la suite d'une longue enquête, ou procès, inscrit un personnage au catalogue des saints et autorise qu'un culte public lui soit rendu dans l'Église universelle ; cérémonie qui accompagne cette déclaration"
 Il y a donc des procédures bien spécifiques à respecter et qui sont les mêmes que pour la béatification. La première est que la personnalité soit passée de vie à trépas (parce que sinon ça le fait pas), et ce depuis un minimum de 5 ans. Le second impératif est que pour être canonisé, il faut d'abord avoir été béatifié (et pour cela, il faut avoir réalisé un miracle). Ensuite, c'est à l’évêque du lieu ou la personne est décédée de décider d'ouvrir une enquête permettant la canonisation. Ainsi, l'évêque fait établir un dossier sur sa vie par un prêtre, qui recueille l'ensemble des écrits et des témoignages. Ces derniers sont passés au crible par 2 théologiens (spécialiste de la foi) afin de constater que le candidat à la sainteté a bien mené une vie... saine, et un miracle (un second après décès dans le cadre d'une canonisation). Suite à cela, tout les documents sont fait en 2 exemplaires, dont un qui est alors envoyé à la congrégation des causes des Saints. Cette congrégation demande à un rapporteur de rédiger un positio, c'est à dire un document qui réuni toutes les analyses et observations des théologiens, tels un procès, afin de vérifier la véracité de toutes les informations. Ce rapport est ensuite soumis aux évêques et cardinaux de la congrégation et la validation ultime est acté ou non par le pape. Si un second miracle est attesté, le candidat peut alors être déclaré comme saint.
 En résumé, la procédure ça donne ça :

Procédure, béatification, canonisation
Procédure de béatification
http://www.sudouest.fr

 Jusqu'au 10éme, la canonisation ne suivait aucun principe réglementé, c'était la vox populi qui permettait d'être en "odeur de sainteté". cependant, depuis la mise en garde par le moine Alcuin à Charlemagne lui disant qu'il fallait toujours se méfier de la voix du peuple, des règles se sont misent en place petit à petit. 


Histoire d'un nom : Bojaxhiu


 Il y a plusieurs mois, quand j'ai programmé de faire un article sur mère Térésa, j'avoue que j'ai pris un peu peur en voyant son vrai nom de famille. Cependant, grâce à mes articles précédents, notamment celui sur Gwladys Epangue qui s'avére finalement avoir été le plus complexe à définir, j'ai pu mettre en place une méthodologie me permettant d’affiner mes recherches et de m’immiscer dans les plus profonds secrets du langage. Ainsi, ce qu'il faut savoir de ce nom de famille est qu'il est originaire d'Albanie. Il est porté par plus de 400 personnes en Albanie et ce nom signifie "peintre décorateur" (Bojaxhi) en Albanais. Gonxhe est très certainement un surnom dont elle s'est dotée durant sa vie et qui signifie Bourgeon.

Un Bojaxhiu dans l'histoire (et pour l'éternité du coup) : Anjezë

 Fille de Nikollë Bojaxhiu, entrepreneur dans le bâtiment et en pharmaceutique, et de Dranafile Bernai, tout deux issus de familles albanaise, Anjezë est née en 1910 à Skopje, qui se situe aujourd'hui en République de Macédoine. Cependant, à cette époque cette ville s'appelait encore Üsküb et faisait partie intégrante de l'Empire ottoman. En effet, la Macédoine est un territoire qui a subit de nombreuses péripéties pendant le siècle dernier.

Vilayet (canton) du Kosovo en Macédoine avant 1912
 Lorsque l'on parle de la première guerre mondiale, il est généralement admis que l'on fasse débuter cette période en 1914 avec l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand. Mais c'est simplement à cette date que la guerre prends une dimension mondiale, car dans les Balkans la guerre à déjà commencé depuis un bon moment, et la Macédoine en est l'un des malheureux théâtre principaux. Ce territoire a la particularité de concentrer 4 grandes minorités ethniques (entre-autres) : bulgares, serbes, grecques et turcs. En 1912, affaiblit par des victoires Italiennes dont l'armée reprend à l'Empire ottoman la région Tripolitaine et le Dodécanèse, trois pays (la Serbie, la Grèce et la Bulgarie) s'allient contre les turcs pour les bouter hors des Balkans : c'est la première guerre balkanique. Cette alliance est d'autant plus motivée qu'au Nord de cette région, l'empire d'Autriche-Hongrie a fait quelques percées (Turquie > Perse > percée, c'est drôle non? ok j'arrête) et a annexé la Bosnie-Herzégovine en 1908. 
 Pendant cette première guerre balkanique (1912-1913), la Macédoine est alors partagée en plusieurs territoires. Mais finalement, ce partage ne satisfait personne et sera la cause de la deuxième guerre balkanique (1913), à l'issue de laquelle un nouveau partage sera fait et dans lequel la Bulgarie perd une grande partie des acquisitions de la première guerre.

Partage de la Macédoine en 1913

 Sur la deuxième carte, les territoires colorés représentent l'ancienne Macédoine : la toute petite partie en orange est donné à l'Albanie, celle en vert à la Bulgarie, en rouge à la Serbie et la plus grande au sud pour la Grèce. Dans ce contexte, Anjezë vit alors dans la partie qui est rattaché à la Serbie. Cependant, très rapidement, la Bulgarie va profiter de la première guerre mondiale pour récupérer la Macédoine. Mais la Grèce et la Serbie, bénéficiant de l'appuie des forces alliés vont finir par libérer le territoire en 1918.

 Ainsi, c'est ce théâtre de guerre qui voit la naissance et les premières années de vie de celle qui deviendra plus tard : mère Térésa. Son père souhaitant que tout ses enfants, garçons et filles, bénéficient d'une même et bonne éducation, lui permet de rejoindre les bancs des écoles. En plus de cette éducation scolaire, sa mère, très pieuse, souhaite également lui donner une éducation religieuse.
 Alors qu'elle n'est âgée que de 9 ans son père meurt soudainement, vraisemblablement suite à un malaise, bien que des doutes soit parfois émis (il était aussi un politicien et un défenseur des droits de l'Homme). Ainsi, c'est sa mère qui va guider les pas de sa fille vers le dieu chrétien. Catholique pratiquante, Dranafile la fait participer très jeune à la vie de leur paroisse. Altruiste, elle s'occupe également à aider les pauvres et les orphelins, dont le nombre ne fait que grandir en conséquences des conflits.
 A 18 ans, Anjezë décide de fait un voyage initiatique à Rathfarnham, près de Dublin, en rejoignant le couvent de l'ordre missionnaire de Notre dame de Lorette (parce qu'on est bien chez Lorette). Un voyage qui ne durera que très peu de temps car elle sera très rapidement missionnée en Inde en 1929 pour y faire son postulat et son son noviciat. C'est à ce moment là qu'elle décide de s'appeler sœur Mary Térésa, en l'honneur de la sainte Thérèse de Lisieux, canonisée 3 ans auparavant.
 Dans le même temps, elle passe son diplôme pour devenir enseignante. Ainsi, elle commencera à exercer sa profession dès 1931 à Calcutta, dans des classes de 300 élèves. Très appréciée par ces derniers pour sa pédagogie et son humilité, il la surnommeront "Ma", diminutif de Mary, mais surtout ce qui veut dire mère en Hindi. En 1944, elle deviendra directrice dans une école réservée aux classes supérieures de Calcutta.

 Sa volonté de créer un nouvel ordre religieux destiné à s'occuper en priorité des mourants, mais également des orphelins ne cessant alors de croître, elle souhaite vivre hors du couvent, au plus près des pauvres. Ce qui lui sera permis par le pape Pie XII. C'est à partir de cet instant qu'elle portera le vêtement traditionnel indien tel qu'on lui connait : le sari blanc et bleu. Très vite, son engagement personnel motive plusieurs de ses élèves à la rejoindre dans son action : c'est la naissance des sœurs missionnaires de la Charité.

Mère térésa, Anjezë, Gonxhe, Bojaxhiu
Mère Térésa à Beyrouth, le 14 août 1982
photo : AFP/ Dominique Faget
 Petit à petit, son mouvement prend de l’ampleur, et cela paradoxalement, grâce à sa difficulté de réunir des fonds financiers pour fonctionner et aider correctement les pauvres, orphelins et mourants dont s'occupe son équipe. En effet, suite à ses appels aux dons, mais surtout à la participation active dans son ordre religieux, celui -ci se développe dans un premier temps dans le pays, puis prends finalement une ampleur mondiale au fur et à mesure des interventions télévisuelles d'Anjezë. Ainsi, elle devient la figure emblématique de son ordre religieux, et sa popularité grandissante lui permettra alors d'avoir le prix Nobel en 1979.
 Aujourd'hui, presque 20 ans après son décès le 5 septembre 1997, l'ordre des missionnaires de la Charité est florissant. Sa présence est attestée dans 132 pays et compte dans ses rangs plus de 5 000 religieuses.

Et vous, quelle est votre histoire?

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